App Tracking : Apple riposte après sa condamnation de 150 millions d'euros en France
Nadim Lefebvre
- Il y a 5 heures
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Apple affiche sa condamnation française mais refuse de baisser les bras sur la protection de la vie privée. L'entreprise de Cupertino s'exécute et publie sur son site français le résumé de sa sanction de 150 millions d'euros, tout en annonçant publiquement son intention de faire appel de cette décision controversée.
Une amende qui interroge la stratégie de protection des données
L'Autorité de la concurrence française a frappé fort en mars dernier en condamnant Apple à une amende de 150 millions d'euros pour abus de position dominante. Cette sanction concerne directement l'App Tracking Transparency (ATT), ce dispositif introduit avec iOS 14.5 en avril 2021 qui oblige les applications à demander explicitement l'autorisation avant de suivre les utilisateurs à des fins publicitaires.
Le grief principal porte sur l'asymétrie de traitement entre les applications tierces et celles d'Apple. Selon l'Autorité, les développeurs externes subissent un parcours utilisateur plus complexe avec une multiplication des fenêtres de consentement, tandis que les applications Apple bénéficient d'un processus simplifié. Cette différence de traitement aurait créé une distorsion concurrentielle préjudiciable aux petits éditeurs qui dépendent de la publicité pour leur financement.
L'ironie de la situation réside dans le fait que l'Autorité de la concurrence avait initialement salué l'initiative d'Apple en 2021, considérant que l'ATT s'inscrivait dans une démarche légitime de protection de la vie privée. Cependant, l'analyse approfondie des modalités de mise en œuvre a révélé des pratiques jugées "ni nécessaires ni proportionnées" à l'objectif affiché.

Apple maintient le cap malgré la pression réglementaire
Face à cette condamnation, Apple adopte une stratégie de communication offensive. Sur la page d'accueil de son site français, la firme ne se contente pas d'afficher le résumé obligatoire de la décision pendant sept jours. Elle y ajoute un encadré bien visible intitulé "La réponse d'Apple" pour défendre sa position et annoncer son appel :
La Transparence du suivi par les apps (ATT) permet à nos utilisateurs et utilisatrices de mieux contrôler leurs données personnelles. Nous avons reçu un soutien considérable pour cette fonctionnalité de la part de notre clientèle, ainsi que de personnes militant pour la protection de la vie privée et d’autorités chargées de la protection des données dans le monde entier. Nous sommes en profond désaccord avec la décision de l’Autorité de la concurrence française, qui va à l’encontre de ses précédentes déclarations selon lesquelles la Transparence du suivi par les apps s’inscrit dans l’engagement de longue date d’Apple en faveur de la protection de la vie privée. Par conséquent, nous faisons appel de cette décision et nous continuerons à œuvrer pour que les utilisateurs et utilisatrices puissent exercer un contrôle de leurs données en toute transparence.
Apple met en avant le soutien reçu de ses utilisateurs et des organisations de protection de la vie privée à travers le monde. Cette argumentation s'inscrit dans une stratégie plus large de positionnement sur la confidentialité, devenue un argument marketing central pour la marque depuis plusieurs années.
Un débat qui dépasse les frontières françaises
Cette affaire française s'inscrit dans un contexte réglementaire européen plus large avec l'entrée en vigueur du Digital Markets Act (DMA). Ce règlement impose aux "gatekeepers" comme Apple de respecter des obligations d'interopérabilité et de neutralité qui pourraient transformer en profondeur l'écosystème iOS.
La position d'Apple face à l'Autorité française préfigure probablement ses futures batailles réglementaires en Europe. L'entreprise semble déterminée à défendre son modèle de protection de la vie privée, quitte à affronter les régulateurs et à payer des amendes substantielles. Récemment, Apple a aussi fait appel d'une sanction européenne à 500 millions d'euros.
Cette stratégie de résistance n'est pas sans risques. D'autres autorités européennes pourraient s'inspirer de la décision française pour examiner à leur tour les pratiques d'Apple. La Commission européenne elle-même surveille de près l'évolution de ces dossiers dans le cadre de sa politique de concurrence numérique.