Google se fiche des sites web indépendants
Alexandre Godard
- Il y a 2 heures
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Le procès antitrust contre Google met en lumière une réalité paradoxale : le géant fragilise les éditeurs en détournant le trafic, tout en restant leur principal soutien grâce à ses outils publicitaires indispensables.
Google affaiblit le « web ouvert », mais il semble n’y avoir guère d’alternative viable
Dans un témoignage devant un tribunal américain, le PDG de WikiHow, Elizabeth Douglas, a décrit comment l’entreprise subit une double contrainte : d’un côté, Google bouleverse les flux de trafic web via ses nouvelles fonctions de recherche (comme les « AI Overviews ») qui retiennent les utilisateurs au sein de la page de résultats. De l’autre, WikiHow dépend des outils publicitaires de Google pour générer une part importante de ses revenus. Comme tant d'entre nous.
Douglas explique que l’essor de l’IA et des extraits enrichis de Google a réduit les clics vers les sites tiers et donc les impressions publicitaires, principale source de revenus. Elle qualifie les outils publicitaires de Google qu’elle utilise de « partie stable » de son modèle économique, malgré le recul général des recettes. Mais jusqu'à quand ?

Le gouvernement américain cherche à imposer à Google des remèdes antitrust, notamment la cession de son échange publicitaire AdX et peut-être celle de son outil de gestion pour éditeurs (DFP). Mais ce démantèlement pourrait lui aussi désorganiser le “moins mauvais” de l’écosystème publicitaire pour des sites comme WikiHow. Douglas craint qu’un nouvel acquéreur n’assure pas le même niveau de soutien, qu’il rémunère moins bien les éditeurs ou qu’il soit moins fiable.
Le paradoxe est saisissant : Google est perçu à la fois comme l’architecte de la crise pour les éditeurs du web ouvert, et en même temps comme un allié indispensable. Le cas WikiHow illustre les dilemmes des petites et moyennes plateformes : sans Google, elles perdent accès à un levier publicitaire puissant ; avec Google, elles restent vulnérables aux évolutions des priorités de la firme.
En fin de compte, la question posée au tribunal (et aux régulateurs) n’est pas seulement de savoir comment limiter le pouvoir de Google, mais comment garantir que le “web ouvert” survive sous des formes viables sans en faire dépendre les acteurs les plus fragiles d’un géant aux intérêts opaques.
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