Forfaits mobiles : la fin de la data illimitée se profile en France
- Nadim Lefebvre
- Il y a 3 heures
- 💬 9 coms
- 🔈 Écouter
La surenchère des données mobiles inquiète les autorités françaises et pose question sur l'impact environnemental de nos usages numériques. Alors que les opérateurs rivalisent d'offres toujours plus généreuses en gigas, la réalité de la consommation moyenne des Français interpelle : seulement 17 Go par mois selon l'Arcep. Un décalage qui soulève les interrogations de certaines agences sur le plan écologique.
Une guerre commerciale déconnectée des usages réels
Le marché français de la téléphonie mobile se distingue par des offres particulièrement attractives comparées à nos voisins européens. Les principaux opérateurs (Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free) proposent désormais des forfaits allant jusqu'à 350 Go pour des tarifs oscillant entre 10,99€ et 35,99€ mensuels. Free propose même un forfait à data illimitée pour ses abonnés Freebox. Une situation unique en Europe où, par exemple, il faut débourser environ 21€ en Belgique pour obtenir 90 Go.
Cette surenchère, initiée par Free et son positionnement agressif, masque une réalité bien différente : la consommation moyenne des Français s'établit à seulement 17 Go mensuels selon le dernier rapport de l'Arcep. "C'est un peu comme le carpaccio à volonté du Bistro romain : personne n'en mange trois assiettes !", illustre Renaud Kayanakis, expert télécoms chez Sia Partners. Seuls quelques profils très spécifiques, comme les adolescents grands consommateurs de TikTok et de jeux en ligne, approchent ces plafonds stratosphériques. C'est également le cas des internautes ne disposant pas de box internet ; le gonflement des forfaits mobiles a eu pour effet de détourner certains consommateurs des lignes fixes au profit de la seule data mobile.
L'impact environnemental au cœur des préoccupations
L'Ademe (Agence de la transition écologique) s'inquiète des conséquences environnementales de cette course aux gigas. Une étude conjointe avec l'Arcep révèle que l'empreinte carbone du numérique représente 4,4% de l'empreinte totale de la France, dont 46% sont imputables à nos usages data. Mathieu Wellhoff, chef de service de la sobriété numérique à l'Ademe, déclare :
Pour un même usage, si vous passez par la 4G ou la 5G, vous aurez dix fois plus d'impact sur l'environnement qu'en optant pour le WiFi !
L'agence réfléchit donc à une tarification progressive des forfaits pour encourager une consommation plus raisonnée, bien que cette approche soulève des questions d'équité sociale, notamment pour les étudiants qui dépendent de leur forfait mobile pour accéder à internet.
Les impacts environnementaux du numérique sont réels, mais bien moins importants que ceux d'autres secteurs comme les transports ou l'agroalimentaire. De plus, au sein du numérique, la pollution est générée en très grande partie par la fabrication des appareils et non pas par leur utilisation. Il est facile d'imputer la majorité de la pollution numérique en France aux usages data dans la mesure où les smartphones et autres ordinateurs sont fabriqués ailleurs. C'est un peu comme si on conseillait de supprimer ses mails pour compenser l'achat d'un nouvel iPhone tous les ans. Ca n'a pas de sens.
Vers une évolution technologique et réglementaire
La solution pourrait venir des évolutions technologiques futures. La Wireless Broadband Association évoque notamment la 6G comme potentielle réponse, avec une convergence des réseaux cellulaires, WiFi et non terrestres pour optimiser les usages. Apple, qui travaillerait déjà avec Qualcomm sur les futures puces 6G, pourrait jouer un rôle clé dans cette transition vers des réseaux plus intelligents et moins énergivores.
En attendant, les opérateurs restent discrets sur le sujet, Bouygues Telecom étant le seul à réagir officiellement en défendant "la volonté des clients de disposer d'une enveloppe importante pour un usage sans contrainte". Une position qui devra probablement évoluer face aux enjeux environnementaux grandissants et à la pression réglementaire à venir. Malheureusement, ce sujet revient sur la table trop souvent pour qu'une loi ne soit pas adoptée un jour. C'est une question de mois ou d'années, mais cela arrivera inéluctablement.