Une IA est capable de détecter les bons vins (et les arnaques)

vivino icone app ipa iphoneLes fraudeurs qui ont pour habitude de faire passer de la piquette pour un vin haut de gamme pourraient bientôt se faire attraper par l'intelligence artificielle. Des scientifiques ont en effet entraîné un algorithme à base d'apprentissage automatique (Machine Learning) à remonter à l'origine des vins sur la base d'analyses chimiques de routine. De quoi intéresser les acteurs comme Vivino, notre application préférée sur ce sujet.

L'IA décrypte le vin

À la manière d'un sommelier d'exception, que l'on retrouve dans l'excellente série Drops of God d'Apple TV+, des chercheurs ont utilisé l'apprentissage automatique pour analyser les vins sur la base de différences subtiles dans les concentrations d'un grand nombre de composés, ce qui leur a permis de remonter non seulement jusqu'à une région viticole particulière, mais aussi jusqu'au domaine où le vin a été produit. Même ChatGPT ne sait pas encore faire ça.

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© La Petite Quille - Caviste au Vésinet 78110

Le professeur Alexandre Pouget, de l'université de Genève (Suisse), a déclaré sans langue de bois :

Il y a beaucoup de fraudes sur le vin : des gens fabriquent de la merde dans leur garage, impriment des étiquettes et les vendent pour des milliers de dollars. Nous montrons pour la première fois que nos techniques chimiques sont suffisamment sensibles pour faire la différence.

Pour former le logiciel, les scientifiques se sont tournés vers la chromatographie en phase gazeuse (une technique apparue dans les années 1950*), qui a été utilisée pour analyser 80 vins récoltés sur 12 ans dans sept domaines différents de la région de Bordeaux, en France. Cette technique est couramment utilisée en laboratoire pour séparer et identifier les composés d'un mélange.

Plutôt que d'essayer de trouver des composés individuels qui distinguent un vin d'un autre, l'algorithme s'appuie sur toutes les substances chimiques séparées puis détectées dans le vin pour élaborer la signature la plus fiable possible. Le programme affiche ses résultats sur une grille bidimensionnelle, où les vins présentant des signatures similaires sont regroupés.

Le professeur explique que le résultat, aussi surprenant soit-il, montre le niveau de fiabilité de la méthode :

La première chose que nous avons vue et qui nous a sauté aux yeux, c'est qu'il y a des groupes qui correspondent à des châteaux spécifiques. Cela nous a tout de suite indiqué qu'il existe une signature chimique propre à chaque château, indépendamment du millésime. C'est le schéma global des concentrations d'un très grand nombre de molécules qui distingue un château. Chacun est une symphonie : il n'y a pas une seule note qui les distingue, c'est toute la mélodie.

Les graphiques ont révélé bien d'autres choses encore comme le rapporte The Guardian. Il est frappant de constater que les notes reflètent les emplacements des domaines sur le terrain, les vins de trois châteaux situés au nord de la Dordogne étant clairement séparés de ceux de quatre châteaux situés à l'ouest de la Garonne.

Lorsque nous effectuons ces projections à partir des chromatogrammes, nous retrouvons la carte de Bordeaux.

David Jeffery, professeur agrégé en sciences du vin à l'université d'Adélaïde et coauteur du livre Understanding Wine Chemistry (Comprendre la chimie du vin), a ajouté :

La puissance de l'apprentissage automatique pour ce type de recherche devient de plus en plus évidente à chaque nouvelle application dans l'alimentation et l'agriculture.

Un "nez" numérique pas encore parfait

Comme le savez probablement, une multitude de facteurs, depuis les raisins et le sol jusqu'au microclimat et au processus de vinification, influencent les concentrations de composés trouvés dans les vins de chaque château. Autrement dit, la qualité d'une bouteille. Si le programme a permis de retrouver les bons châteaux avec une précision de 99 %, il a eu du mal à distinguer les millésimes, atteignant au mieux une précision de 50 %. Il y a donc une marge de progression.

Pour aider les enquêtes

Cette étude, qui devrait être prochainement publiée dans Communications Chemistry, ne vise pas à remplacer les cavistes et autres sommeliers, mais pourrait faciliter les enquêtes sur les fraudes en confirmant que le vin correspond à son étiquette. En Europe, où la contrefaçon d'alcool est responsable d'un manque à gagner de 3 milliards d'euros par an, les affaires de ce type sont légions. Récemment, un gang s'est fait attraper pour avoir introduit en France des camions-citernes de vin de table espagnol et les avoir fait passer pour du vin français. La fraude s'est étalée sur plusieurs années et aurait porté sur l'équivalent de près de 5 millions de bouteilles. Faites le calcul.

Au-delà de la fraude, un programme de ce type, une fois intégrée à une application iPhone par exemple, pourrait permettre aux vignerons de contrôler la qualité tout au long du processus de vinification et pour s'assurer que le vin est bien mélangé. Une solution pour optimiser les assemblages, l'étape clé de l'élaboration des grands bordeaux et des grands champagnes. Jusqu'à présent, cette tâche est confiée à quelques viticulteurs qui font chèrement payer leur savoir-faire.

*Le mélange à analyser est vaporisé à l'entrée d'une « colonne », qui renferme une substance active solide ou liquide appelée « phase stationnaire », puis il est transporté à travers celle-ci à l'aide d'un gaz porteur (ou gaz vecteur). Les différentes molécules du mélange se séparent et sortent de la colonne les unes après les autres après un certain laps de temps qui est fonction de l'affinité de la phase stationnaire avec ces molécules.

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