Orange, Free et Bouygues annoncent officiellement vouloir racheter SFR
Nadim Lefebvre
- Il y a 2 heures (Màj il y a 1 heure)
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L'industrie française des télécoms s'apprête à vivre un tournant majeur. Orange, Bouygues Telecom et Free ont déposé conjointement une offre de 17 milliards d'euros pour racheter une grande partie des actifs de SFR. Cette initiative marquerait potentiellement la fin du modèle à quatre opérateurs instauré en 2012 avec l’arrivée fracassante de Free Mobile.
Un partage stratégique des actifs SFR
Dans un communiqué de presse commun, les trois opérateurs annoncent s'être entendus sur une répartition précise des activités du groupe Altice France. Bouygues Telecom obtiendrait la part la plus importante avec 43% de la valeur totale, incluant principalement l'activité professionnelle (B2B) et le réseau mobile en zones peu denses qu'il partage déjà avec SFR. Free-Iliad récupérerait 30% de l'ensemble, tandis qu'Orange, déjà leader du marché, se contenterait de 27%.
L'activité grand public serait partagée entre les trois acteurs, tout comme les infrastructures stratégiques et les fréquences hertziennes. Cette offre, qualifiée de "non engageante", valorise implicitement l'ensemble d'Altice France à plus de 21 milliards d'euros. Certains actifs resteraient toutefois hors périmètre, notamment les filiales Intelcia, XP Fibre, UltraEdge et les activités ultramarines.

Un parcours semé d'embûches réglementaires
L'opération s'annonce longue et complexe. Si Patrick Drahi accepte cette première proposition, une phase de due diligence permettra aux opérateurs d'examiner en détail les comptes de SFR avant de déposer une offre ferme. Olivier Roussat, directeur général de Bouygues, anticipe déjà une clôture au plus tôt au deuxième trimestre 2027, soit deux années complètes de procédures.
Le dossier devra impérativement obtenir l'aval de l'Autorité de la concurrence et de l'Arcep, ainsi que celui de Bercy. La création d'une société commune de transition, s'appuyant sur les équipes actuelles d'Altice, gérerait pendant environ 30 mois la migration progressive des clients vers leurs nouveaux opérateurs. Une période charnière où la qualité de service devra être maintenue pour éviter toute fuite massive d'abonnés.
Vers un retour aux tarifs d'avant 2012 ?
Cette consolidation soulève légitimement des inquiétudes sur l'évolution tarifaire. Le passage de quatre à trois opérateurs rappelle le paysage concurrentiel français d'avant l'arrivée fracassante de Free Mobile, dont les forfaits low-price avaient bouleversé le marché. Les observateurs redoutent une remontée progressive des prix pour absorber le coût de cette acquisition massive.
Néanmoins, l'ADN de Free Mobile reste ancré dans l'agressivité commerciale. Xavier Niel a bâti sa réussite sur des offres disruptives, et rien n'indique un changement de stratégie radical. Les trois opérateurs promettent d'ailleurs de "préserver un écosystème concurrentiel" tout en renforçant les investissements dans les réseaux très haut débit, la cybersécurité et l'intelligence artificielle.
Pour les utilisateurs finaux, cette restructuration pourrait paradoxalement améliorer la qualité des réseaux mobiles. Des opérateurs financièrement plus solides investiraient davantage dans leurs infrastructures 5G et futures générations de télécommunications, garantissant de meilleures performances pour les services gourmands en bande passante — surtout si le réseau actuel de SFR est partagé entre tous les opérateurs.
La balle se trouve désormais dans le camp de Patrick Drahi et de ses créanciers, entrés au capital sur une valorisation de 28 milliards d'euros. L'offre actuelle leur paraîtra probablement insuffisante, mais les négociations ne font que commencer. Après des mois de rumeurs, le grand Monopoly des télécoms français entre dans sa phase concrète. C'est en tout cas un tournant historique que s'apprête à prendre le marché télécom en France.