Armes et poupées illégales : le gouvernement français veut suspendre Shein en urgence
Nadim Lefebvre- Il y a 2 heures
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Le 5 novembre 2025 restera une date paradoxale pour Shein en France. Alors que le géant chinois inaugurait son tout premier magasin physique pérenne au BHV Marais à Paris vers 13 heures, le gouvernement français annonçait dans la foulée l'engagement d'une procédure de suspension de sa plateforme en ligne. Une journée chaotique qui illustre la pression croissante exercée sur les plateformes d'ultra-fast fashion, mais qui soulève également des questions sur l'efficacité réelle de telles mesures.
Une accumulation de scandales en cascade
Le déclencheur de cette crise ? La découverte de poupées sexuelles à caractère pédopornographique en vente sur la plateforme, révélée quelques jours avant l'ouverture parisienne. Les députés Romain Eskenazi et Antoine Vermorel-Marques, qui co-président une mission d'information sur le contrôle des importations et la concurrence déloyale, ont aussitôt tiré la sonnette d'alarme. Pour eux, un cap inacceptable a été franchi : au-delà des problèmes récurrents de non-conformité sanitaire et environnementale, il s'agit désormais de commercialisation d'objets relevant du pénal et de la pédocriminalité.
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes rappelle que la diffusion de représentations à caractère pédopornographique via un réseau électronique peut être sanctionnée jusqu'à 7 ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende. Le même jour, le député Vermorel-Marques affirmait avoir également identifié des armes de catégorie A en vente sur le site, dont des machettes et coups de poing américains.
Face à la polémique grandissante, le Gouvernement a réagi fermement. Sur instruction du Premier ministre, le gouvernement a engagé une procédure de suspension de Shein, le temps que la plateforme démontre sa conformité avec les lois françaises. Un premier bilan devait être établi dans les 48 heures suivant l'annonce. Presque simultanément, Shein a annoncé la suspension temporaire de sa marketplace en France, c'est-à-dire les produits proposés par des vendeurs tiers indépendants. L'entreprise justifie cette décision par la nécessité de "mener une revue approfondie pour garantir le plein respect de la loi française et les plus hauts standards en termes de protection du consommateur". Une source proche du dossier précise toutefois que cette annonce serait indépendante de la décision gouvernementale.
[Communiqué : SHEIN a pris la décision de suspendre temporairement les ventes de sa Marketplace en France]
— SHEIN France Presse (@SHEIN_FR_Presse) November 5, 2025
Indépendamment de l’annonce du Premier ministre, et afin de répondre aux préoccupations exprimées ces derniers jours, SHEIN avait déjà décidé et annoncé la suspension…
Une ouverture maintenue malgré les turbulences
Malgré ce contexte explosif, Frédéric Merlin, patron du BHV, a maintenu l'ouverture du magasin Shein de 1 200 m², affirmant avoir "réfléchi à arrêter" la collaboration mais persistant dans son choix. Sa défense ? "Shein, c'est 25 millions de clients en France" et "des Français qui, pour certains, n'ont pas le choix d'aller acheter ailleurs". Un argument qui n'a pas convaincu plusieurs marques françaises, qui ont annoncé son départ du BHV en dénonçant l'implantation d'une enseigne contraire à ses valeurs. Le ministre de la ville et du logement, Vincent Jeanbrun, a qualifié cette ouverture d'"erreur stratégique". Cinq autres boutiques Shein doivent ouvrir prochainement à Angers, Dijon, Grenoble, Limoges et Reims.
Une régulation symptomatique qui ne règle rien
Si les articles illégaux découverts sur Shein sont effectivement inacceptables et justifient une réaction ferme, la stratégie de suspension pose question. Fermer Shein ne résoudra pas structurellement le problème : dix autres plateformes similaires, potentiellement encore plus opaques et difficiles à réguler, émergeront pour combler le vide. La fermeture de Wish, pour d'autres raisons, n'a jamais empêché la prolifération de nouvelles plateformes d'ultra-fast selling aux pratiques tout aussi borderline.
C'est le système lui-même, celui qui permet l'importation massive de produits non contrôlés via des exemptions douanières pour les colis de moins de 150 euros, qu'il faudrait remettre en cause. En 2024, 4,6 milliards de colis bénéficiaient de cette exemption dans l'Union européenne, un chiffre qui double tous les deux ans. Tant que ce cadre réglementaire restera inchangé, suspendre Shein en France sera une mesure symbolique sans impact durable sur un écosystème qui se nourrit précisément de ces failles législatives.

















