La France veut déréférencer Shein et Temu en urgence
Nadim Lefebvre
- Il y a 3 heures
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Le gouvernement français monte au créneau contre les plateformes chinoises à bas coût. Véronique Louwagie, ministre déléguée au Commerce, vient d'adresser une lettre officielle au commissaire européen à la Justice Michael McGrath pour réclamer un nouveau pouvoir de déréférencement rapide. L'objectif ? Permettre à la Commission européenne de faire disparaître Shein, Temu et consorts des moteurs de recherche européens sans passer par les longues procédures actuelle
Une procédure accélérée pour contourner la bureaucratie européenne
Actuellement, Bruxelles dispose déjà d'outils pour sanctionner les plateformes non conformes, notamment via le Digital Services Act (DSA). Mais ces mécanismes s'avèrent particulièrement lourds : enquêtes approfondies, droits de réponse, consultations d'autorités nationales... Un processus qui peut s'étaler sur plusieurs années avant qu'une sanction définitive ne soit prononcée.
La proposition française vise à créer une voie express en élargissant la notion de "risques systémiques" pour y inclure les violations répétées des règles européennes. Cette redéfinition permettrait à la Commission de déréférencer directement les contrevenants, les rendant invisibles sur Google et autres moteurs de recherche.
L'inspiration vient d'un précédent français : en 2021, la plateforme américaine Wish avait été déréférencée après qu'une enquête de la Répression des fraudes ait révélé la vente de produits dangereux. Contrairement à Shein et Temu qui collaborent (un peu) avec les autorités, Wish ignorait totalement les demandes administratives françaises.

L'écosystème Apple face à la déferlante chinoise
Cette bataille réglementaire dépasse largement le seul secteur du commerce en ligne. L'App Store d'Apple, par exemple, héberge les applications de ces géants chinois qui drainent des millions d'utilisateurs européens. Selon le dernier baromètre de la Fevad, Temu compte 22,5 millions de visiteurs mensuels en France et figure au troisième rang des sites les plus fréquentés. De plus, Temu est Shein sont constamment en tête des apps de shopping les plus téléchargées sur l'App Store.
Cette popularité s'explique en partie par l'optimisation de ces plateformes pour le mobile. Contrairement à Wish qui dépendait massivement du référencement Google, Shein et Temu misent sur leurs applications natives, téléchargées directement depuis l'App Store ou Google Play. Une stratégie qui complique d'autant plus leur éventuel déréférencement.
Du côté d'Apple, cette situation pose des questions sur la responsabilité des plateformes de téléchargement. L'entreprise de Cupertino applique certes ses propres règles de modération, mais reste-t-elle suffisamment vigilante face à des applications commercialisant potentiellement des produits non conformes aux normes européennes ?

Un combat européen aux enjeux économiques majeurs
Au-delà des aspects techniques, cette offensive française révèle les tensions géopolitiques croissantes autour du commerce numérique. Véronique Louwagie évoque sans détour "la pression sur l'emploi en Europe" et "l'impact carbone lié au transport aérien" de ces plateformes asiatiques.
Les chiffres donnent le vertige : Shein a réalisé près de 35 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2024, tout en étant sanctionné à hauteur de 40 millions d'euros par la France pour pratiques commerciales trompeuses. Une amende qui représente à peine 0,1% de son chiffre d'affaires annuel.
L'Union européenne étudie également la fin de l'exemption de droits de douane sur les petits colis, suivant l'exemple américain. Cette mesure, si elle se concrétise d'ici 2028, pourrait rééquilibrer la concurrence en faveur des acteurs européens.
Reste à voir si cette demande française aboutira avant l'éventuelle censure du gouvernement le 8 septembre. Car au-delà des déclarations d'intention, la réalité du terrain montre que ces plateformes chinoises continuent de prospérer, occupant désormais durablement le paysage commercial européen.