La Poste et Temu signent un partenariat malgré les polémiques
Nadim Lefebvre
- Il y a 3 heures
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L'annonce du partenariat renforcé entre La Poste et Temu a déclenché une vive controverse en France. Si l'accord commercial paraît logique d'un point de vue économique, il cristallise les contradictions d'une politique publique qui peine à réconcilier ses ambitions réglementaires et les réalités du terrain.
Un partenariat économiquement cohérent mais symboliquement problématique
L'accord-cadre signé mi-octobre entre Colissimo et la plateforme chinoise prévoit un ensemble de services logistiques : livraison, entreposage, préparation de commandes et gestion du dernier kilomètre. Pour La Poste, cette collaboration représente une bouée de sauvetage financière. Les plateformes asiatiques génèrent désormais 22% des volumes transportés par l'entreprise publique, rivalisant avec Amazon. Dans un contexte où le courrier traditionnel s'effondre, ces colis chinois maintiennent l'activité des facteurs et justifient les investissements dans la flotte de véhicules électriques, alors qu'il ne rapportent quasiment rien.
Pourtant, ce rapprochement intervient au moment même où l'État français tente de freiner l'afflux de produits ultra-low-cost venus d'Asie. Le gouvernement prépare une taxe sur les petits colis extra-européens pour 2026, tandis que Bruxelles a récemment bloqué une proposition de loi française visant à encadrer strictement Shein et Temu. L'Alliance du commerce et Procos n'ont pas mâché leurs mots : "La Poste ne peut pas être le cheval de Troie de Temu".

Les limites d'une stratégie politique fragmentée
Cette situation révèle l'impasse dans laquelle se trouvent les autorités publiques. D'un côté, elles multiplient les déclarations contre la concurrence déloyale, les produits non conformes et l'impact écologique désastreux de ces plateformes. De l'autre, une entreprise détenue à 66% par la Caisse des dépôts et à 34% par l'État signe tranquillement des accords commerciaux avec ces mêmes acteurs.
Les fédérations professionnelles réclament désormais des mesures concrètes : droits de douane sur les colis de moins de 150 euros, frais de gestion européens, renforcement des contrôles et révision de la convention postale universelle qui offre des tarifs préférentiels aux vendeurs chinois considérés dans un pays en voie de développement. Mais face à cette inertie politique, La Poste doit composer avec la réalité : sans ces volumes, ses finances se détérioreraient rapidement.
Cette situation rappelle celle de Shein qui souhaite s'installer au BHV et dans de nombreuses Galerie Lafayette. La question est toujours la même : faut-il systématiquement s'opposer à l'arrivée de grandes plateformes chinoises à bas prix ou accepter leur présence en essayant d'en tirer du profit ? Voilà deux visions du commerce qui s'entrechoquent.