Jacques Attali s’inquiète du rachat de Twitter par Elon Musk
- 👨 Alban Martin
- Il y a 3 ans (Màj il y a 3 ans)
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Un coup des Républicains ?
Dans un nouvel article sobrement nommé « Twitter, et après ? », celui qui a été officiellement conseillé spécial de François Mitterrand, lui permettant de se saisir de tous les dossiers qu’il jugeait important, mais aussi conseillé économique ponctuel de tous les présidents suivants jusqu’à Emmanuel Macron, analyse ou plutôt envisage les répercussions du rachat de l’oiseau bleu. Pour lui, c’est pas un acte de foi pour rendre sa parole au service, mais plutôt un coup du camp des Républicains américains qui préparent le retour de Donald Trump.
Plus encore, bien des gens, et pas seulement parmi les dirigeants démocrates, voient la main des Républicains derrière cette transaction, qui serait avant tout une manœuvre de politique intérieure américaine, pour mettre ce très grand média planétaire au service des Républicains et de Donald Trump.
Pour propager des fake news ?
Attali, qui se prête ici au jeu du complotisme qu’il dénonce souvent a raison, estime que le patron de Tesla est guidé par des ambitions politiques et que l’acquisition pourrait avoir des conséquences graves pour la démocratie. L’ancien militant du Parti socialiste n’est évidement pas en phase avec les idées de Donald Trump qui prône le protectionnisme, et échafaude une théorie concernant le futur de Twitter.
Mais Musk veut aller beaucoup plus loin dans le droit à crier sa haine, à mentir, à propager des fausses nouvelles. Sans aucune vérification du vrai.
Pour accréditer sa thèse, Attali rappelle que 26 associations activistes anglo-saxonnes « très puissantes » se sont alliées pour dénoncer le rachat et demander aux annonceurs de ne plus utiliser Twitter comme support pour leurs publicités. La raison avancée étant que leur image serait écornée en raison de leur diffusion aux côtés de fausses informations. Chacun semble ici prêcher pour sa paroisse, Musk dénonçant des associations financées par des politiques milliardaires comme Soros, Clinton, Clinton etc.
Pourtant, la France est régulièrement citée comme l’un des champions de la censure sur Twitter. C’était le cas en 2014, et le dernier décompte en 2021 plaçait toujours la France dans le top 5 des pays qui demandaient le plus de suppression aux équipes de modération.
Twitter payant pour tous ?
Vient ensuite le modèle économique. Pour Jacques Attali, Twitter va devenir payant. Le grand média universel qu’il décrit cessera d’exister et il faudra payer pour s’y informer et pour informer. C’est en partie juste, puisque Elon Musk lui-même a expliqué vouloir rendre la plateforme enfin profitable en faisant payer les entreprises qui l’utilisent. Mais pas les utilisateurs particuliers. Depuis sa création, Twitter n’a jamais produit le moindre bénéfice.
De fait, il est clair que Twitter, sous le règne de Musk cessera d’être le grand média gratuit et universel qu’il est aujourd’hui pour devenir un média commercial, où beaucoup devront payer pour avoir le droit de s’y informer et celui d’y écrire.
Si Twitter est effectivement gratuit, il est en revanche actuellement loin d’être universel. Des comptes sont bannis arbitrairement, des messages sont parfois supprimés sans explication et la portée est également sujette à discussion selon les cas. Elon Musk souhaite mettre tout le monde sur un pied d’égalité, en développant des algorithmes capables de bloquer les robots et le spam, mais en l’aidant tout le monde s’exprimer, même si on imagine déjà le casse-tête quant aux propos hors-la-loi dans tel ou tel pays.
Comment contrebalancer le rachat de Twitter ?
Pour M Attali, cette main-mise sur Twitter pourrait avoir un impact planétaire et l’ancien conseillé énumère quelques cas effrayants selon lui comme le retour de Trump au pouvoir.
Mais heureusement, celui qui accompagne la France depuis 40 ans en matière économique (dont chacun jugera l’état actuel), a des solutions. En premier lieu, le DSA (Digital Services Act) qui doit permettre de réguler les plateformes en ligne. Thierry Breton, l’actuel commissaire européen, avait d’ailleurs fait mention du DSA au lendemain de l’annonce du rachat en appelant Musk à le respecter. Mais comme l’explique Attali, encore faut-il mettre en place les moyens nécessaires.
L'autre possibilité consiste à créer un réseau social européen concurrent. Mais là encore, on a du mal à y croire. Et quand bien même une société du Vieux Continent parviendrait à lancer un service d’une telle envergure, l’adoption prendrait des années.
Enfin, sans surprise, l’économiste termine en appelant à une gouvernance mondiale pour résoudre ce genre de question, un projet qu’il pousse depuis des dizaines d’années avec la mondialisation heureuse. Certainement une référence au fameux « nouvel ordre mondial » évoqué par une partie des plus grands de ce monde pour centraliser une partie des décisions.
Plus généralement, l’Europe devrait devenir le fer de lance d’une bataille conduisant à mettre en place une gouvernance mondiale permettant de sortir de cette situation folle où une personne peut aisément trouver plus de 40 milliards pour jouer avec la démocratie, (et cela ne fait que commencer !) ; alors que personne ne peut trouver la même somme pour vacciner la planète contre des maladies contagieuses, lancer un grand programme de protection des océans, planter les dizaines de milliards d’arbres qui absorberaient le CO2 émis, ou tant d’autres problèmes, qui ne peuvent être que traités que mondialement.
Pensez-vous comme lui que Twitter va devenir un endroit infréquentable ?