Apple attaque (encore) le DMA européen devant la justice
Nadim Lefebvre
- Il y a 3 heures (Màj il y a 3 heures)
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Apple lance sa plus grosse offensive judiciaire contre la législation européenne sur les marchés numériques. Lors d'une audience devant la Cour générale de Luxembourg ce mardi, la firme de Cupertino a dénoncé des obligations qu'elle juge disproportionnées, tandis que la Commission européenne accuse le géant américain de vouloir verrouiller son écosystème pour maximiser ses profits. Cette bataille juridique pourrait redéfinir les règles du jeu pour l'iPhone, l'App Store et l'ensemble de l'industrie technologique en Europe.
Un affrontement sur trois axes majeurs
Apple conteste le Digital Markets Act (DMA) sur plusieurs fronts distincts. D'abord, l'obligation d'interopérabilité qui force iOS à fonctionner de manière fluide avec du matériel tiers comme des écouteurs ou des montres connectées concurrentes. Selon l'avocat d'Apple, Daniel Beard, cette mesure impose des "charges extrêmement lourdes et intrusives" qui menacent la sécurité des utilisateurs, leur vie privée et les droits de propriété intellectuelle de l'entreprise. Ensuite, Apple remet en question l'inclusion de l'App Store dans le périmètre de la loi, arguant que la plateforme ne constitue pas un service unique au sens de la réglementation.
Pour rappel, l'App Store a déjà écopé d'une amende de 500 millions d'euros en avril pour violation des règles anti-évitement, une sanction qu'Apple conteste également dans une procédure séparée. Enfin, la marque à la pomme s'oppose à l'enquête menée par Bruxelles sur iMessage, un service qui ne génère pas directement de revenus pour la société et qui a finalement échappé aux obligations du DMA.

L'Europe dénonce un jardin clos abusif
Face à ces arguments, l'avocat de la Commission européenne, Paul-John Loewenthal, a défendu une vision radicalement opposée lors de l'audience. Selon lui, le "contrôle absolu" qu'Apple exerce sur l'iPhone lui permet de réaliser des "profits supranormaux sur des marchés complémentaires où ses concurrents sont désavantagés et ne peuvent pas rivaliser à armes égales". L'image du jardin clos a été utilisée sans détour : "Seule Apple détient les clés de ce jardin fermé. C'est Apple qui décide qui y entre et qui peut proposer ses produits et services aux utilisateurs d'iPhone", a martelé Loewenthal, ajoutant qu'Apple a ainsi "verrouillé plus d'un tiers des utilisateurs européens de smartphones".
e bras de fer illustre la tension croissante entre les régulateurs européens et les grandes plateformes technologiques, une dynamique qui touche aussi Google, Meta, Amazon, Microsoft et d'autres acteurs majeurs désignés comme "gardiens d'accès".
Des enjeux qui dépassent Apple
Cette affaire représente le test le plus significatif du DMA depuis son entrée en vigueur en 2023, une loi qui vise à limiter le pouvoir des géants de la tech par une série d'obligations contraignantes. Si Apple perd ce procès, cela pourrait accélérer l'ouverture forcée de son écosystème aux acteurs tiers, un scénario que la firme californienne redoute depuis des années. À l'inverse, une victoire d'Apple pourrait affaiblir considérablement la portée du DMA et remettre en question l'approche réglementaire de l'Union européenne.
Cette bataille juridique intervient alors que les tensions commerciales entre Washington et Bruxelles se sont intensifiées sous la présidence de Donald Trump, qui a ouvertement critiqué la législation européenne sur les marchés numériques. Le verdict final pourrait donc avoir des répercussions bien au-delà de l'iPhone, façonnant l'équilibre entre innovation, concurrence et contrôle réglementaire pour les années à venir.
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